POLLOCK d’Ed HARRIS

POLLOCK

Film d’Ed HARRIS

2000

POLLOCK est un film américain de 2000 (tourné en 1999), premier film d’Ed HARRIS en tant que réalisateur.

Ed HARRIS dit que l’idée du film lui est venue du fait que son père qui travaillait à la librairie du Chicago Art Institute, lui avait offert pour son anniversaire en 1985, une biographie de Jackson POLLOCK. Son père avait alors écrit : « Ce serait peut-être intéressant d’en faire un film ».

« C’est devenu pour (lui) une vraie obsession », dit-il, mais il dit ne pas savoir pourquoi.

Son père avait remarqué une ressemblance entre Ed et la photo de Jackson POLLOCK qui illustrait la couverture du livre. Ed HARRIS avait également peint par le passé.

Le livre offert par le père, To a violent grave (1985), était une « biographie orale » : une sélection d’interviews avec la famille, les amis, les voisins de POLLOCK, mise en forme par Jeffrey POTTER (décédé en 2012) qui vivait à Springs, lui-même voisin des POLLOCK dont il fut l’ami de 1949 à 1956.

Ed HARRIS essaya en vain d’acheter les droits de cette biographie mais ceux-ci appartenaient déjà à une société de production représentant entre autres Barbara Streisand et Robert de Niro. D’autres livres parurent ensuite sur POLLOCK, avec les mêmes problèmes de droits, jusqu’à la biographie de Steven NAIFEH et Gregory WHITE SMITH : Jackson Pollock : An American saga, publiée en 1989 et récompensée par le prix Pullitzer en 1991 (sélection biographies et autobiographies).

Ed HARRIS connaissant NEIFEH, il put alors envisager de faire un film à partir de ce texte et il demanda à Barbara TURNER d’en écrire le scénario.

Ed HARRIS était à cette époque un acteur reconnu, plutôt inclassable ; il avait connu de nombreux succès tant au cinéma qu’au théâtre qu’il n’a jamais abandonné, continuant de se produire sur scène tout au long de sa carrière.

Il nous dit qu’il avait alors 40 ans (il est né le 28 novembre 1950) et qu’il voulait « plus de responsabilité dans sa vie professionnelle ».

Il n’envisageait pas au départ de diriger lui-même le film, mais il a pris conscience au fur et à mesure de l’avancement du projet, qu’il ne pouvait laisser personne d’autre le faire …

Ce projet l’a donc occupé pendant près de dix ans. Il a eu du mal à le financer, c’est un film américain indépendant, et Ed HARRIS dit ne pas avoir toujours pu filmer ce qu’il désirait du fait de la pression financière.

Ed HARRIS est un sportif. Il a failli faire une carrière professionnelle, recruté pour l’équipe de football américain de la Columbia University de New York. Ses qualités physiques, bien que très bonnes, ne lui semblaient cependant pas suffisantes pour faire une carrière professionnelle et il avait, dit-il, « besoin de plus de concentration ». Pour « faire le point », il décida de rejoindre ses parents qui avaient déménagé du New Jersey où Ed HARRIS était né et avait grandi, en Oklahoma.

C’est à l’Université d’Oklahoma, en 1971, qu’il fit la connaissance d’un enseignant, Robert Greenwood, qui l’initia à la comédie, au chant et à la danse. Ed HARRIS trouva là une autre forme de jeu qui lui convenait d’avantage, lui permettant de surmonter sa timidité. Il rejoignit la troupe de théâtre de l’université et c’est en jouant avec brio le Roi Athur, « habitant le rôle », qu’ il trouva sa voie.

Ed HARRIS partit ensuite pour Los Angeles afin de suivre les cours du California Institute of Arts, dont il sort diplômé en 1975 (Bachelor of fine Arts Degree BFAD). Trois ans plus tard, en 1978, il est figurant dans Morts suspectes de Michael Crichton. Il se fait de plus en plus connaître dans les années 80, tout spécialement sur scène, à Broadway, où il fait ses débuts en 1983 dans la pièce de Sam SHEPARD Fool of love, se voyant distingué d’un « Obie Award ». On lui propose alors des rôles au cinéma : le rôle de l’astronaute John Glenn dans L’étoffe des héros en 1983, par exemple.

C’est comme un sportif de haut niveau qu’Ed HARRIS prépare son interprétation du rôle-titre de Pollock. Il dit s’être fait construire un atelier dès 1990, pour « expérimenter » la peinture telle que la concevait l’artiste. Ed HARRIS avait en effet déjà peint auparavant, mais il voulait s’exercer physiquement, expérimenter différents types de pinceaux, les toiles, les peintures, pour acquérir une posture qui soit en harmonie, « qui le fasse se sentir peintre ».

C’est, à mon avis, ce qui est le plus réussi dans ce film, ce qui « fonctionne » le mieux comme dit Ed HARRIS : Ed HARRIS devient Jackson POLLOCK au point de lui ressembler. Il incarne le rôle physiquement, dans ses expressions, sa posture et sa gestuelle. Les plus beaux moments du film sont ceux où l’on voit Jackson POLLOCK se libérer des carcans artistiques en posant sa toile sur le sol et en se laissant aller à une gestuelle nouvelle, au geste qui lui permet de s’exprimer.

Ed HARRIS a su trouver un rythme qui lui donne l’allure de Jackson POLLOCK. Il incarne avec beaucoup de grâce cette danse inventée par POLLOCK, autour de la toile, sur la toile, cette chorégraphie gestuelle qui a marqué un tournant dans l’art. Ed HARRIS compare sa façon de bouger à du Taï Chi et on peut repérer dans le film cinq moments particulièrement incarnés.

La recréation des tableaux a, quant à elle, été une gageure : on peut voir plus de 150 tableaux dans le film, sur plus de 200 recréés !

Ed HARRIS pensait au départ se servir de photocopies grands formats mais il désirait que soit perceptible la texture, matière même de la peinture. C’est donc une équipe de peintres qui ont reproduit les œuvres des différents artistes incarnés dans le film, sous la direction de Lisa LAWLEY, peintre elle-même [Ed Harris surnommait, dit-il, le groupe qui reproduisait les œuvres de Jackson POLLOCK, les « Jackson Five »…] et c’est Ed HARRIS lui-même que l’on voit réellement peindre la plupart du temps

La distribution est brillante, avec une pléiade d’excellents acteurs, certains venus du théâtre. On peut mentionner Marcia Gay HARDEN qui joue Lee KRASNER, et qui a obtenu pour cette interprétation, l’oscar du meilleur rôle féminin en 2001.

Amy MADIGAN, épouse à la ville d’Ed HARRIS, qui joue Peggy GUGGENHEIM.

La belle Jennifer CONNELLY qui joue Ruth KLIGMAN,

Val KILMER qui interprète le peintre Willem de Kooning etc.

Ed HARRIS s’est attaché dans son film aux détails historiques et la reconstitution des décors a été minutieuse et très documentée. Il faut souvent être très familier de cette période particulière de l’histoire de l’art pour saisir toute la richesse des détails, les allusions dans les échanges, les références de chacun des protagonistes.

La musique joue un rôle important : les compositions originales de Jeff BEAL viennent donner un rythme aux créations picturales de POLLOCK. Les chansons d’époque ou morceaux de jazz [POLLOCK écoutait du jazz sans arrêt], de même que l’utilisation de la radio, connotent le film. Elles lui apportent un point d’ancrage à la fois historique et social.

Le réalisateur joue sur des effets de contraste et de rupture entre les plages de musique et les plages de silence ainsi que sur des effets de reprise par les variations de certains airs. Un exemple : dans la belle scène ou Jackson POLLOCK/Ed HARRIS peint le mural commandé par Peggy GUGGENHEIM, la musique donne le rythme. On peut noter que POLLOCK a peint cette immense toile en une nuit, 12 à 14 heures d’affilée, et ce tableau extrêmement important annonce la période suivante de l’artiste. Après cela, l’exaltation de POLLOCK retombe, il ne va plus très bien, nous assistons alors à la scène du café où son ami Ruben KADISH lui apprend le décès de Howard PUTZEL qui avait présenté POLLOCK à Peggy GUGGENHEIM. Jackson POLLOCK/Ed HARRIS boit et refuse de rentrer chez lui raccompagné par son ami. La musique se fait alors plus douce, c’est en fait une variation du thème de la scène où POLLOCK peignait le mural.

On peut mentionner également la chanson de Tom WAITS, « The world keep turning », composée pour le générique final.

Les faiblesses du film viennent de son découpage et de la temporalité des séquences, pas toujours très compréhensible.

Ainsi le film s’ouvre sur la revue Life (1949) et l’exposition de la Betty Parsons Gallery de novembre 1949 (où nous reviendrons aux ¾ du film environ) puis un flashback nous indique « 9 ans plus tôt, Greenwich Village, novembre 1941 »…

Il y a de temps en temps des indications de date qui permettent de se repérer mais certains plans se succèdent de façon peu compréhensible : par exemple, seul le changement de couleur de chemise de Jackson POLLOCK/Ed HARRIS, permet de comprendre que nous ne sommes pas le même jour lorsque nous le voyons rentrer chez lui où Lee l’attend et se coucher, après la scène de fiasco dans la chambre de Peggy GUGGENHEIM…

Il faut souvent se repérer aux détails infimes (journal annonçant la bataille de Pearl Harbour, daté du 7 décembre 1941, par exemple), ou être attentif à ce qui est dit à la radio, ou très bien connaître la chronologie des œuvres de Jackson POLLOCK, ce qui est loin d’être évident, pour replacer tous les éléments du film dans leur histoire et dans l’Histoire.

Ed HARRIS dédie ce film à ses parents. Il dit en effet qu’il a pris conscience durant le tournage « qu’il avait de la chance d’avoir des gens qui le soutiennent, des gens qui l’aiment et qui ne laissent pas finir comme Mr Pollock, qui ont canalisé ses pulsions destructrices ».

En ce qui concerne la peinture, Ed HARRIS dit qu’il aimerait se remettre à peindre mais qu’il faut s’y consacrer entièrement ce qui lui est impossible (il avait une fille de sept ans au moment de la sortie du film). Cependant il dit avoir toujours des aquarelles sur lui et faire des croquis : « je ne perds pas la main, j’essaie de garder les yeux ouverts ».

Il emploie presque les mêmes termes lorsqu’il parle de l’évolution de son travail d’acteur. Le besoin d’être reconnu, d’être considéré que traduisait son investissement dans le sport puis dans le métier d’acteur, est dit-il « devenu autre chose, une exploration permanente, une façon de rester ouvert ».

Publié par Psy-Troyes

Psychologue, psychothérapeute, psychanalyste

%d blogueurs aiment cette page :